Etude de cas : dissimulation de séropositivité.
Une femme, diagnostiquée positive au VIH lors d’une hospitalisation fin 2007, déclare un homme, avec lequel elle a eu une relation amoureuse à partir du mois d’août 2007 et qui ne lui a pas divulgué sa séropositivité, comme responsable de sa contamination. Elle engage des poursuites judiciaires contre lui en 2011.
Traitement du cas de la dissimulation de séropositivité par la justice
La voie pénale n’était plus accessible à la victime qui a laissé s’écouler du temps avant de déposer une plainte à l’encontre de celui qu’elle rendait responsable de sa contamination. Le Juge pénal a donc constaté la prescription de l’action publique (6 ans à compter de l’infraction pour un délit).
Heureusement pour elle la voie civile lui était encore ouverte puisque l’action en indemnisation du préjudice corporel peut être intentée pendant 10 ans.
La victime a donc assigné son ancien compagnon devant un tribunal de grande instance (Tribunal judiciaire) pour obtenir l’indemnisation de son préjudice de dissimulation de séropositivité.
En janvier 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que l’ancien compagnon devait indemniser le préjudice corporel de la victime. Cette décision a été motivée par le fait qu’il connaissait sa séropositivité depuis dix ans et n’avait pas utilisé de préservatifs, ce qui constituait une faute d’imprudence selon l’article 1241 du code civil : « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » .
En revanche, la Cour d’appel a réduit de 20 % le droit à réparation de la victime. Cette décision a été justifiée par le fait que la victime avait elle-même commis une imprudence en ayant des relations non protégées avec un individu qu’elle ne connaissait que depuis quelques jours, malgré les recommandations du comité de lutte contre le sida en faveur de l’usage du préservatif pour prévenir le VIH.
Un pourvoi principal (établi par l’accusé) et un pourvoi incident (établi par la victime) ont été formés pour contester la décision de la Cour d’appel.
Le 14 mars 2024, la deuxième chambre civile est revenue en partie sur la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. La Haute juridiction rejette le pourvoi principal émis par l’ex compagnon et revient sur la décision prise à l’égard de la victime, indiquant que « le fait pour une personne d’avoir des relations sexuelles non protégées, en méconnaissance des recommandations des autorités sanitaires, avec un partenaire qui lui a dissimulé sa séropositivité, ne constitue pas, à lui seul, une faute », et qu’une décision contraire violait l’article 1241 du code civil.
Absence de faute pour la victime
La faute de la victime a été écartée par la Cour de cassation .
La faute d’imprudence en question, consistant à avoir des relations sexuelles non protégées, serait considérée comme un manquement au devoir général de respect envers autrui. Ainsi, cette faute ne peut être établie que si le respect envers autrui est violé.
En ayant des relations non protégées, la victime a agi avec légèreté dans l’exercice de son droit à entretenir des relations sexuelles libres. En effet, cette dernière s’est exposée à un risque de contamination.
Toutefois, et dans la mesure ou la victime était consciente de sa séronégativité, elle n’a exposé personne à un préjudice, seulement elle-même.
La faute d’imprudence ici réside dans l’exercice de son droit à entretenir une relation sexuelle libre et non protégée alors même que la personne est consciente de sa séropositivité et du risque auquel elle expose son partenaire.
Ainsi la faute d’imprudence qui est retenue à l’encontre de l’auteur du dommage ne peut être reprochée de la même manière à la victime.
La décision de la Haute juridiction du 14 mars 2024 pourrait être justifiée par une considération d’opportunité : il est difficile d’évaluer la faute de la victime de la même manière que celle de l’auteur du dommage, car les conséquences diffèrent. En effet dans le cas d’une faute d’imprudence de la victime aucune personne n’est exposée à un préjudice et le fait de la retenir limite donc le droit à réparation.
En conclusion, la victime n’a pas été jugée fautive dans cette affaire.
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